Au CHU de Lille, la réalité augmentée sécurise la préparation des essais cliniques en chimiothérapie

Fruit d’un partenariat entre l’Université, l’école Centrale de Lille et Computer Engineering, des lunettes de réalité augmentée fonctionnent depuis le début d’année à l’unité de préparation des chimiothérapies du CHU de Lille. Focus sur cette innovation, la solution AR|Chimio.

C’est le Professeur Pascal Odou, Chef de service au CHU de Lille, qui rappelle les objectifs de cette démarche R&D, menée depuis plusieurs années : « Les essais cliniques représentent une part très importante des préparations des poches de chimiothérapies et nécessitent une formation assez longue des opérateurs. Nous souhaitions trouver un moyen simple d’utilisation pour les guider pas à pas, raccourcir ainsi leur apprentissage et fluidifier l’ensemble des process. Notre deuxième objectif était également de sécuriser toutes les étapes avec un outil unique. »

AR|Chimio, la réalité augmentée dans l’isolateur

L’équipe imagine donc des lunettes connectées qui équipent l’opérateur dans l’isolateur et lui fournissent toutes les indications au fur et à mesure de l’avancée de la préparation. Michèle Vasseur, Pharmacien responsable UPCC au CHRU de Lille, qui travaille depuis plus de 10 ans avec le logiciel Chimio de Computer Engineering, s’est tout naturellement rapprochée de l’éditeur pour mettre au point le développement informatique de l’interface de transmission des données entre les lunettes et le logiciel de gestion des chimiothérapies. « La connexion avec le logiciel est indispensable, explique-t-elle, pour stocker toutes les données issues des lunettes. »

Tout part donc du numéro d’ordonnancier enregistré dans Chimio, qui déclenche l’édition d’une étiquette avec code-barre. Tous les volumes et doses prescrites sont détaillés puis envoyés sur une plateforme web service qui sert d’intermédiaire entre le support de réalité augmentée et le logiciel.

Équipé de lunettes très légères, l’opérateur visualise directement sur l’écran de ses lunettes les étapes qu’il doit suivre. S’il en saute une, le système bloque. L’intérêt est que l’ensemble fonctionne avec des commandes vocales, comme « suivant », « pause » ou photo ». L’opérateur a ainsi les mains totalement disponibles et ne s’en sert pas pour valider le déroulement de la préparation, puisqu’un outil de prise de vues et de lecture de datamatrix est intégré aux lunettes. Ces données visuelles sont immédiatement renvoyées vers Chimio.

« Le fait de positionner un écran dans le poste de travail de l’opérateur n’est pas évident, car c’est un élément qui prend beaucoup de place dans l’isolateur, souligne Vincent Hourdequin, Directeur technique de Computer Engineering. Et si on fixe l’écran sur le côté de la cabine, la personne est obligée de tourner la tête pour valider chaque étape, ce qui est très inconfortable pour elle. En plus de sécuriser l’ensemble du processus, cette solution AR|Chimio est donc bien plus ergonomique. »

Une solution très adaptée aux essais cliniques

Avec 4000 essais cliniques effectués chaque année, le CHU de Lille se positionne dans les 3 premiers centres en France en termes de volume pour ce type de préparations. « Jusqu’à présent, les essais cliniques étaient tous validés visuellement par une 2^e personne, précise Michèle Vasseur, car il n’y a pas de contrôle classique possible. Ce qui impliquait à chaque fois de mobiliser un préparateur avec interruption de tâche. Désormais, AR|Chimio évite ce double contrôle puisque chaque étape est validée en temps réel grâce aux photos des volumes et des flacons. Nous gagnons du temps et de la fiabilité. » Le Professeur Pascal Odou approuve : «En chimiothérapie, les essais cliniques sont complexes. Puisque notre système est fonctionnel pour les essais, il sera forcément très opérationnel pour les préparations classiques, notamment pour de petites unités qui ont des équipements manuels, non robotisés comme ici. »

Forte de ce succès, l’équipe a donc bien l’intention de déployer AR|Chimio plus largement, tout en continuant à poursuivre ses recherches afin d’améliorer les fonctionnalités de cette innovation.